

SENSATION
exposition février 2021 téat du champ fleuri, Saint Denis de la Réunion
L’artiste autrichienne et allemande KR explore la technique de la peinture à l’huile classique pour la création d’un art éminemment contemporain.
Arrivée à la Réunion en début 2019 après quelques années passées en pleine capitale, elle se trouve soudain immergée dans une nature luxuriante et abondante. Inspirée par la beauté des paysages, des feuillages exotiques et multicolores mais aussi des galets trouvés aux bord des rivières, des pierres de basalte, des rochers et des coraux , KR se donne l’objectif de peindre des tableaux ayant la même densité énergétique que ces objets trouvés dans la nature. La couleur sur le tableau est ainsi condensée dans une forme équivoque mais bien délimitée, placée sur un fond blanc ou très clair, comme si la peinture représentait un „objet“, qui semblerait flotter dans un espace illimité, infini. Le pan de couleur vive et vibrante est découpé de fenêtres carrées. Ce sont des trous dans la toile, refermés d’un voile transparent, et ce sont aussi des instants de silence dans une symphonie de couleurs et des instants de vide dans un plein mouvementé.
Ce sont des instants où l’infini (le carré étant la forme géométrique par excellence) se fait sentir derrière ou au delà du monde fini. Happé par la présence immédiate mais réfléchie et concordante de tous ces éléments qui ne disent rien mais semblent pourtant vouloir être compris, le spectateur plonge dans une expérience sensuelle et affective, la sensation esthétique de ce qu’il a en face de lui. Mais il ne sera pas dupe longtemps: il ressentira que la beauté de cette expérience n’est autre que celle de sa propre vie, avec tous ses défauts et ses fissures – cette joyeuse menace, ce chant fait de silences, cette ardeur de se fondre dans le rien pour se sentir enfin entier et réellement présent.
LAURENCE NOEL
La musique des pierres
Il n’est pas si aisé de parler du dernier travail de Katharina Razumovsky. Le titre même de cette série plonge d’emblée le spectateur dans des abîmes de perplexité. Dans quel voyage nous embarquons-nous ? Vers quels rivages ? Sur quel chemin s’opèrera la rencontre entre le minéral et l’émotion ?
Peut-être s’agit-il de s’abandonner et de se perdre dans ce Stonhenge moderne où les pierres résonnent comme des cloches.
Peut-être est-il question d’une ouverture à l’instant, à ce qui est dans sa dimension toute phénoménologique, se laisser capturer littéralement par l’œuvre et non tenter de la dompter. Lâcher toute forme d’intentionnalité, toute velléité d’aborder l’oeuvre par l’analyse, de chercher des liens, un système de références et plutôt se laisser porter par sa dimension pré-historique et poétique.
Les formes aux contours incertains et hésitants interpellent notre inconscient, laissent émerger des mondes intérieurs à la géométrie aléatoire.
Les couleurs profondes, riches, denses et insistantes sont posées là telles des strates, qui recouvrent de scories couche après couche, l’intention initiale et nous renvoient encore à notre pré-histoire.
L’œuvre comme révélateur de l’inconscient avec ses trous, ses béances, ses blessures colmatées, une sorte de danse immobile, un va et vient mental et émotionnel, un corps à corps de la toile au spectateur, un dialogue éruptif et parfois ingrat. N’y aurait-il rien d’autre à voir dans ces trous que notre propre vacuité?
Trous obsédants comme de l’immobilité dans le mouvement de la toile, comme du silence dans la symphonie ambiante.
Expérience esthétique et transgressive, voyage dans l’au-delà de la toile et dans notre propre au-delà. Expérience du vide et du néant, vertige. Et le retour au tableau dans sa totalité.
C’est peut-être aussi un voyage intérieur qui parle de nos limites, de notre finitude, mais aussi de notre liberté. Celle par exemple de nous laisser happer par le tableau, aspirer par ce mystérieux trou noir du vide blanc.
Regarder à-travers, oser enfin l’envers du décor, traverser comme Alice le miroir et se voir peut-être, enfin.
Mais qui sait ? Dans le monde de Katharina Razumovsky tout est possible, alors peut-être est-ce le tableau qui nous regarde de ses yeux vitreux et qui nous perce à jour….
Allons nous baisser la garde et nous laisser aller à la transgression du regard quitte à risquer la déception ?
Ou tout simplement aller voir sans rien attendre en retour, rentrer dans l’expérience de l’aller-retour sujet-objet, dans cette dialectique de l’œuvre et de l’être , dans ce dialogue perpétuel dans lequel les béances de l’œuvre font écho aux blessures de l’âme.
L’artiste ici soigne les blessures de la toile d’une résine nous invitant peut-être par là-même à la réparation.
LAURENCE NOEL (Übersetzung K.R.)
Die Musik der Steine
Es fällt nicht immer leicht, die neuesten Arbeiten von Katharina Razumovsky zu besprechen. Allein der Titel lässt den Betrachter zuriefst perplex. Auf welche Reise brechen wir auf? Zu welchen Ufern? Auf welchem Pfad wird die Begegnung zwischen dem Mineralischen und den Emotionen stattfinden?
Vielleicht geht es darum, sich hinzugeben und sich in diesem modernen Stonhenge zu verirren, wo Steine wir Glocken schallen. Vielleicht geht es um eine Öffnung hin zum Augenblick, zu dem, was da ist, in seiner phänomenologischen Präsenz: Sich gefangen nehmen zu lassen von dem Kunstwerk, und nicht es beherrschen zu wollen, jeglichen Vorsatz aufzugeben und jeden leisenVersuch, dem Bild analytisch zu begegnen und Verbindungen, Beziehungsgeflechte zu suchen, und sich lieber von seiner prä-historischen und poetischen Dimension tragen zu lassen.
Mit ihren zögernden und tastenden Umrissen appellieren die Formen an unser Unbewusstes, lassen innere Welten aufsteigen, deren Geometrie rein zufällig ist. Die tiefen und reichhaltigen Farben sind in ihrer Eindringlichkeit und Dichte in Schichten angelegt, Schichten, von denen eine nach der anderen die ursprüngliche Absicht überdeckt und uns an unsere Vor-Geschichte zurückverweist.
Das Bild, mit seinen Löchern, seinen Leerstellen, seinen Öffnungen oder Wunden bringt unser Unbewusstes ans Tageslicht, in einem stillen Tanz, einem mentalen Hin-und Her, einem oft mühevollen Nahkampf mit der Leinwand. Ist in den Leerstellen nichts zu finden als unserer eigener Mangel an Substanz? Die Löcher nehmen von uns Besitz wie die Unbeweglichkeit inmitten der Farbbewegung, wie die Stille in der sie umgebenden Symphonie.
Es ist eine ästhetische, sinnen- übergreifende Erfahrung, eine Reise in das Jenseits der Leinwand und in unser eigenes Jenseits, eine Erfahrung der Leere, des Schwindels – und das Zurück zu dem Bildeindruck in seiner Totalität. Es ist vielleicht zudem eine Reise ins Innere, die von unseren Grenzen erzählt, unserer Endlichkeit, aber auch unserer Freiheit. Diejenige etwa, uns von dem Bild aufsaugen zu lassen, von diesem mysteriösen schwarzen Loch der weißen Leere. Hindurch sehen, es wagen, auf die andere Seite zu sehen, wie Alice, die durch den Spiegel geht, und, vielleicht, sich endlich selbst zu begegnen.
Doch wer weiß? In der Welt von Katharina Razumovsky ist alles möglich – also ist es vielleicht das Bild, das uns mit seinen gläsernen Augen betrachtet und durch-schaut? Werden wir das Visier herunter klappen und mit unserem Blick die Grenze überschreiten, auch wenn wir dabei riskieren, enttäuscht zu werden? Oder einfach nur hinsehen, ohne etwas zu erwarten, eintauchen in die Erfahrung des Hin-und Her zwischen dem Objekt und dem Subjekt, in die dialektische Bewegung zwischen dem Werk und dem Sein, in diesem immer währenden Dialog, in dem die Leerstellen des Bildes den Wunden der Seele ein Echo verleihen. Die Künstlerin heilt die Wunden der Leinwand mit Harz und lädt uns selbst zur Heilung ein.
BAROQUE_21
Est beau ce qui, d ́après Kant, enclenche un libre jeu entre l ́imaginaire et l’entendement, en offrant à notre raisonnement et à notre fantaisie une riche matière. „Baroque“ signifiait à l’origine „aux formes excentriques“, en parlant de perles irrégulières qui inciteraient notre esprit autant que notre imagination. Nous voyons un ciel aux couleurs pastels, un libre jeu de couleurs et de formes indéfinies qui, elles, rappellent vaguement de grandes perles…quoi d´autre pourraient-elles représenter? Le libre jeu de cette contemplation outrepasse les limites que nous imposent les règles de nos concepts.
Certes, l’art est redevable non seulement à la beauté, mais aussi à la vérité et à la réconciliation. Celle-ci est indispensable, puisque la vérité sur les mortels blesse et fait souffrir. La réconciliation avec la vérité elle même est nécessaire mais aussi avec les blessures que cette vérité nous inflige et nous a toujours infligées.
Nous voyons un ciel découvert mais nous ne percevons pas le paradis. Les fenêtres célestes sont des entailles dans la texture de la toile. Non pas, il est vrai, des blessures récentes, mais plus anciennes, bien soignées, en quelque sorte presque guéries. L’ancien combat que mène la critique de la religion contre toute tentative de consolation insipide et vaine mais aussi contre cette menace crue de damnation, le combat entre les cieux et l’enfer, est achevé. Entre le ciel et l ́enfer il subsiste cela: la terre, notre place pour vivre, bâtir, penser.
Dans le quadrangulaire Platonique (ou Heideggerien) du ciel et de la terre, du mortel et du divin, il est bon de vivre, si seulement les signes divins – et c ́est bien cela, l’art – ne font pas défaut et que l ́art accomplit son oeuvre comme il le sait faire. La réussite et le succès de l’art dépendent de sa beauté: rien n ́est plus beau que le Beau – et là où la beauté triomphe nous sommes réconciliés avec la vérité dans toute son implacable rigueur et toute sa cruauté. Reculons donc et laissons nous emporter librement par les peintures du baroque 21, dans cette oscillation entre l’indétermination quasi figurative et l’abstraction, entre ces plans aux maintes couleurs et ces percées dans la troisième dimension. Et alors, dans ce suspens, elle se déploie, en toute liberté, la beauté pure.
Anton Friedrich Koch, Heidelberg (traduction K.R.)
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BAROQUE_21
Schön ist nach Kant, was die Imagination und den Verstand in ein freies Spiel bringt und dabei viel vorzustellen und viel zu denken gibt. Barock heißt ursprünglich schief, bezeichnet schiefe Perlen, die viel vorzustellen und viel zu denken geben. Wir sehen einen pastellfarbenen Himmel im freien Spiel der Farben und ihrer Formen mit großen Perlen, die das Pastellfarbene unterbrechen. Was außer Perlen könnte das sonst noch sein? Dem freien Spiel ist keine Grenze durch begriffliche Regeln gesetzt.
Aber die Kunst ist nicht nur der Schönheit, sondern auch der Wahrheit und der Versöhnung verpflichtet. Weil die Wahrheit über die Sterblichen verwundet und schmerzt, tut Versöhnung not, Versöhnung zumal mit der Wahrheit selbst und Heilung der Wunden, die sie uns schlug. Wir sehen den Himmel geöffnet, aber wir schauen nicht ins Paradies. Die Himmelsfenster sind vielmehr Schnittwunden in der Textur der Leinwand. Nicht frische Wunden indes, sondern ältere, gut versorgte, fast schon geheilte Wunden. Der alte Kampf der Religionskritik gegen schalen Trost und krude Drohung, der Kampf um Himmel (heaven) und Hölle, ist vorbei. Zwischen Himmel und Hölle bleibt: die Erde, unser Ort zum Wohnen, Bauen, Denken.
Im Platonischen Geviert (oder Heideggerschen Geviert) von Himmel (sky) und Erde, Sterblichen und Göttlichen könnte gut Wohnen sein, sofern die Winke der Göttlichen – das aber ist die Kunst – nicht ausbleiben und die Kunst ihr Werk gut verrichtet. Ihr Erfolgskriterium ist die Schönheit; nichts ist schöner als das Schöne, und wo es triumphiert, sind wir mit der Härte der Wahrheit versöhnt. Treten wir also einen Schritt zurück und lassen die Bilder des Baroque 2015 zwischen vieldeutig Fast-Gegenständlichem und einfach Ungegenständlichem und zwischen der farbigen Fläche und den Durchbrüchen ins Dreidimensionale frei oszillieren. Dann, im freien Schweben, stellt sich alsbald ein die reine Schönheit.
Anton Friedrich Koch, Heidelberg